Mieux vivre en ville en 2030, quel développement urbain pour Bruxelles ?
Par Antoine de Borman, directeur de Perspectives Brussels.
Synthèse du Chemin d’été du 19 juillet 2022
19 juillet 2022, journée de tous les records de température. Il fallait être motivé pour sortir de chez soi par plus de 35° à l’ombre et se rendre à une conférence. L’orateur, Antoine de Borman, l’avait bien compris, il a débuté son propos par une question ouverte à l’assemblée : selon vous quelles sont les meilleures mesures à prendre par les villes pour lutter contre le réchauffement climatique ? Les réponses ont fusé : préserver des îlots de fraîcheur, travailler sur la performance énergétique des bâtiments, sur l’augmentation des piétonniers… Certes, a réagi l’orateur. Mais pour lui la lutte contre le réchauffement climatique passera d’abord et avant tout par la lutte contre l’étalement urbain. Car, rappelle-t-il, l’étalement de nos villes devient une source majeure de consommation d’énergie inutile, de perte de temps, de perte d’espaces verts, d’augmentation des déplacements, sans parler des coûts financiers majeurs et in fine de la perte de qualité de vie. La lutte contre cet étalement urbain - qui reste une caractéristique majeure de toute mégapole - passe par une meilleure ré-organisation de la ville en intégrant les concepts de densité et de multifonctionnalité. En termes de densité, un premier constat démontre un profil régional particulièrement inégal entre les communes de la première couronne et les communes périphériques.
D’autre part certains quartiers sont fortement urbanisés alors que personne n’y vit. Certains d’entre eux sont colonisés par les bureaux tandis que d’autres présentent des profils à haute densité humaine, avec parfois une forme de ghettoïsation, particulièrement dans certains quartiers à forte présence de logements sociaux. Or on manque de logements sociaux. Au niveau européen, Bruxelles est parmi les villes qui comptent un taux particulièrement de logements sociaux. Il convient donc de mieux penser l’implantation de ce type de logements.
Autre enjeu, la reconversion des bureaux vides en logements. Ce n’est pas simple. Si les bureaux vides connaissent une croissance liée à l’augmentation récente du télétravail, leur reconversion se heurte à des difficultés d’économies d’échelle tout comme à la mono-fonctionnalité de l’environnement direct.
Et donc, pour Antoine de Borman, augmenter l’offre de logement social, lutter contre la ghettoïsation, convertir les bureaux en logements lorsque c’est possible, lutter contre la spéculation immobilière, préserver voire augmenter les espaces verts et assurer un équilibre des différentes fonctions urbaines restent des objectifs majeurs qu’il faut pouvoir intégrer dans une nouvelle équation urbaine. Il faut fondamentalement repenser la ville avec des critères de mixité sociale et de multifonctionnalité qui doivent viser de nouveaux équilibres entre les différentes fonctions (scolaires, de santé, offres alimentaire, sportive, récréative, de travail…). Tout en ne craignant pas de susciter et de gérer la diversité des réponses. Par exemple, en termes de logement, les réponses sont déjà multiples : AIS, logement acquisitif conventionné, logement intergénérationnel, logement social, incitants divers à la propriété (réduction du PI pour la première acquisition) etc... Il convient de pouvoir jouer sur la diversité de cette gamme. La créativité doit aussi être au rendez-vous, par exemple en visant la mutualisation des services et équipements collectifs. Ainsi, une démarche a été initiée pour mutualiser les équipements scolaires : elle ne demande qu’à se généraliser.
L’objectif doit être que chaque habitant puisse évoluer dans un environnement urbain apaisé qui réponde à ses principaux besoins sans devoir faire de longs déplacements.
L’orateur ne néglige pas pour autant les effets paradoxaux qu’il convient de gérer. Par exemple l’annonce d’un investissement dans tel quartier suscite une augmentation du foncier, rendant le logement de ce fait moins accessible. Une façon de contrer ces phénomènes est de réguler le foncier en travaillant sur le PRAS (Plan Régional d’Affectation du Sol) qui définit les espaces verts, les zones de logement, de bureaux, d’équipements collectifs… C’est précisément ce que fait Perspective.brussels, qui au départ de données et d’analyses statistiques dote à la Région les moyens de développer une vision du développement urbain solide et cohérente.
Revenant plus spécifiquement à Etterbeek, Antoine de Borman pointe trois projets majeurs qui auront une incidence directe sur la vie des Etterbeekois. Chacun de ces projets est situé à la frontière d’Etterbeek avec d’autres communes : le développement du quartier européen (avec Ixelles et Bruxelles Ville), l’entrée Herman-Debroux avec la suppression des deux viaducs (Watermael-Boitsfort), et le ré-aménagement du Cinquantenaire (Bruxelles Ville).
L’exposé s’est clôturé sur une séance particulièrement dense de questions réponses animée par Edoardo Traversa. Et la soirée s’est poursuivie autour d’un barbecue rehaussé de la déclamation par l’acteur et comédien Bruno Georis de quelques textes savoureux de la littérature française. Un beau moment de respiration poétique.
André du Bus